le pouvoir de l'ambiguïté

Georg Schnitzler a grandi dans un cadre imprégné par l’art. Sa mère et son grand père étant tous les deux artistes peintres, il a suivi des cours de peinture dès l’âge de douze ans.

En effet il a toujours dessiné bien qu’entretemps il se soit aussi orienté vers d’autres genres d’art comme le théâtre et la littérature. Mais il est toujours retourné à la peinture et il a finalement complété sa formation par des études de beaux-arts. 

Depuis toujours son sujet principal et son objet préféré c’est l’homme dans toute sa complexité. En abordant un personnage par son aspect physique, il met en évidence l’état d’âme de ceux dont il fait le portrait.

Schnitzler attache une grande importance aux gestes de ses personnages, à leur mimique, à la tenue des corps, aux regards. Et c’est particulièrement par l’intermédiaire des couleurs, le traitement des surfaces, le rapport des surfaces colorées entre elles que le peintre met en relief ses personnages. Ses caractères nous parlent, deviennent transparents, tout en gardant leur mutisme impénétrable. 

L’artiste ne met pas ses personnages dans un endroit bien défini. Il ne les encadre pas du tout. C’est l’isolation qui leur donne un aspect de solitude, une impression d ́être perdu mais en même temps une indépendance et une liberté énigmatique qui excluent celui qui les regarde. Impossible d’entrer dans leur monde à eux. Ainsi même là où Schnitzler crée des groupes, peint des couples l’aspect de l’interaction manque. 

C’est une ambiance mélancolique qui enveloppe les personnages. Et c’est justement cette mélancolie qui semble imprégner l’artiste lui-même. En se servant de ses moyens techniques comme la couleur, élaboré par le crayon, le pastel, l’huile et le charbon, l’artiste ne visualise pas au fond ses sujets. Tout au contraire, c’est la couleur, c’est le travail avec le charbon qui font sortir les sujets qui sont à la base du processus de sa création. Et ce qui est étonnant c’est l’effet du vague, du non-déterminé, de l’indéfini qui s’établit. 

Très souvent les figures crées ont des contours bien fixes tout en se reliant avec leur arrière- plan, la toile. Ainsi l’homme assis de 2016 est pénétré par un rose discret qui se retrouve partout dans la toile: pas seulement dans le visage de l’homme mais également dans sa veste, ses pantalons, sur le plancher, dans la fleur sur un meuble bas. Les nuances du gris, du blanc et du noir complètent ce jeu de couleurs. C’est-à-dire, indépendamment du sujet il s’y installe un cosmos de couleurs qui met en valeur le sujet. 

L’aspect provocateur des personnages de Schnitzler réside dans le fait qu’ils échappent à une analyse facile. Chaque personnage garde quelque chose d’incompréhensible. Chacun fait allusion à l’aspect énigmatique de la nature humaine et s’enferme dans un mutisme mystérieux. L’aspect extérieur du corps n’ouvre pas le chemin vers l’intérieur. Au fond l’image de celui dont on fait le portrait reste complexe et ambigu. D’où la séduction de catégoriser les personnages. 

Finalement le contemplateur se voit confronté à beaucoup de questions. Et leurs réponses ne sont pas toujours vérifiables. Elles nous dirigent vers une idée, une supposition et nous font comprendre qu’au fond nous ne pouvons être sûrs de rien. Et ce qui rend encore plus suggestif les tableaux de Schnitzler, c’est le fait qu’ils ne révèlent rien, qu’ils refusent tout message, sauf celui de l’ambiguïté des choses de la vie. En somme, c’est exactement leur ambiguïté, leur aspect allusif qui nous attire et nous captive.

 

Dr. Barbara Zelinsky, 2019 - historienne de l'art